dimanche 12 septembre 2010

Les Roms

         

«  Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de bohémiens qui s’étaient établis à Rouen –Voilà la 3ème fois que j’en vois.- Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal de voir la foule en leur donnant quelques sols. – Et j’ai entendu de jolis mots à la prud’homme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre.
C’est la haine que l’on porte au bédouin, à l’hérétique, au philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. »
        Gustave Flaubert, lettre à Georges Sand, 12 juin 1867



           Depuis quelques mois, suite aux déclarations de Nicolas Sarkozy, aux démantèlement de leurs camps et aux expulsions, les médias et les français ont les yeux rivés sur eux : les Roms.
Ces populations qui parfois vivent depuis plusieurs années, contrairement aux idées reçues, au même endroit avec un travail fixe sont peu connues, et ni la gauche ni la droite ne furent capable les années précédentes de trouver des solutions et/ou de s’opposer clairement aux réformes européennes qui leur rendent la vie difficile.



Mais qu’est ce qu’un « Rom » exactement?


Le mot « Rom » englobe les différentes populations de gens du voyage d’Europe ; en France, on a tendance à parler de « Bohémiens », ou « Tzigane ». Les Anglais, eux, parlent de Gypsies, les espagnols de Gitanos, les Italiens de Zingari, les allemands de Zigeuner.

            Henriette Asséo, spécialiste de l’histoire des Tziganes, nous explique que « dans les années 1970, les intellectuels de l’Union romani, issus du bloc sociétique, ont créé un mouvement politique international. Ils ont choisi le terme générique « Rom » pour désigner toutes les communautés tziganes d’Europe. »

Camps d'internement de Montreuil-Bellay(Maine et Loire) en 1944. Plus grand des "camps d'internement pour nomades".



Un peu d'Histoire

Mais d’un autre côté, c’est de nouveau pour les diaboliser que les regards se tournent vers eux.

            De nouveau, car cet acharnement envers ces populations ne date pas d’hier, comme nous le rappelle avec colère Antonio Tabucchi, l’écrivain italien : « Est-il possible que l’Europe ait déjà perdu la mémoire de sa honte ? Faut-il rappeler qu’avant-hier, à Auschwitz, furent brûlés entre 500 000 et 700 000 Tziganes (l’estimation est incertaine pour une population en bonne partie privée de carte d’identité) ? Faut il rappeler les temps les plus sombres que la France a réservé aux gens du voyage ? Faut-il rappeler qu’après la loi de 1912, les Tziganes se sont vu imposer un carnet anthropométrique, qu’ils devaient faire viser dans chaque commune, à leur arrivée et à leur départ ? Faut-il rappeler qu’en octobre 1940, à la demande de l’occupant nazi, le gouvernement de Vichy interna les Tziganes dans des camps de « surveillance » ? Faut-il rappeler le train (billet « offert » aux Tziganes par Pétain) qui, de France, partit pour Auschwitz ? »

En effet, rejeter la faute, quelle qu’elle soit, sur les Roms n’est absolument pas une nouveauté en Europe, et très loin d’en être une en France.
            
            En Europe, car l’Italie de Berlusconi a devancé Sarkozy. Son ministre de l’intérieur, Roberto Maroni, membre de la Ligue du Nord, un parti xénophobe et raciste appelant à tirer à bout portant sur les sans papiers, a lancé en 2008 déjà un fichage pour relever les empreintes digitales des enfants tziganes dans les camps, chose qui n’a pas eu l’air d’ébranler en quoi que ce soit les autres pays européens et qui fut passé sous silence par la plupart des médias Français. En effet, le racisme voudrait faire croire, comme Sarkozy nous l’a déjà prouvé lors de sa volonté de ficher les très jeunes enfants potentiellement délinquants, que l’on ne devient pas criminel, mais qu’on l’est dés la naissance.

            Et cette fois-ci, après avoir pointé du doigt de très nombreuses minorités dans le passé de la même façon (musulmanes, juives, homosexuelles…), ce gouvernement français noyé dans le racisme tente de faire croire aux français, aux citoyens, que tous les malaises sociaux –chômage, violence, délinquance, désastres multiples, insécurité- sont la faute des tziganes, des Roms.

Journal "les faits divers illustrés", 1908



 Racisme d'État

Ce sont des accusations qui ne se basent sur rien. Déjà en 1908, un magazine parmi d’autres, « les faits divers illustrés » (équivalent à notre Nouveau Détective actuel, c'est-à-dire un magazine ayant comme but premier d’effrayer les lecteurs, d’alimenter les rumeurs et de faire gagner des voix à la droite dure et répressive) exploite ce mythe du « romanichel voleur d’enfants ».  

Aucune affaire de ce type n’a pourtant été, après recherches, retrouvée dans les archives de la police.
           
            Un des problèmes de ce gouvernement est qu’il se mélange complètement les pinceaux et alimente intentionnellement ou par manque de connaissances (qu’est ce qui est le pire ?) des clichés honteux.
«  Comme au début du 20ème siècle, continue Henriette Asséo, on est en train, de manière concertée et sur un plan international, de transformer des groupes sociaux, diversement discriminés dans leur pays et n’ayant aucun lien entre eux, en une catégorie politique unique, ethniquement responsable de sa discrimination. »
             
              De plus tous les clichés qui ressortent dans le discours de Sarkozy sont facilement attaquables. En effet, 80% des tziganes par exemple n’ont jamais bougé depuis le 16ème siècle. Ce qui rompt immédiatement ce « mythe politique » qu’est le nomadisme sans frontière, et qui créé cet ennemi commun a beaucoup de pays européen : le « vagabond ethnique », une figure policière internationale récurrente, à la fois visible et insaisissable. 


L'Europe responsable des difficultés

Ensuite, la plupart des Roms expulsés travaillent dans des situations précaires, et ce à cause des nombreuses difficultés qu’ils rencontrent et dont l’Europe est responsable!
En effet, la Roumanie et la Bulgarie, dont la plupart des Roms de France sont ressortissants, sont entrées dans l’Union Européenne en 2007.

Normalement, les ressortissants européens bénéficient de la liberté de circulation : ils peuvent librement passer les frontières à l’intérieur de l’Europe, s’installer et travailler dans un autre pays de l’UE. Mais les Bulgares et les Roumains ne bénéficient pas encore de l’entière liberté de circulation : l’accès à l’emploi reste limité.

          La  Roumaine et la Bulgarie sont soumis à un régime transitoire selon lequel leurs ressortissants ne peuvent travailler que s’ils détiennent une autorisation de travail. Cette obligation les rapproche de la situation des ressortissants des pays-tiers (hors UE).
Pour obtenir cette autorisation de travail, tout ressortissant Roumain ou Bulgare doit, comme les ressortissants des autres pays européens :
  1. - Trouver un employeur qui accepte d’effectuer les démarches nécessaires, et de payer la taxe à l’OFII (Office Français pour l’Immigration et l’Intégration), taxe qui s’élève à 900 euros, quasiment UN MOIS de salaire en France !!
  2. - Le poste et la rémunération prévus doivent correspondre aux qualifications / expériences professionnelle de la personne. 
  3. - Si le poste concerné n’est pas inscrit dans la liste des 150 métiers ouverts aux étrangers, l’employeur doit de surcroit prouver qu’il est en pénurie de main d’œuvre.
             
            Pour faire plus simple, le gouvernement français taxe de voleurs ces feignants de roms qui ne veulent pas travailler, alors qu’il impose avec l’Union Européenne à ceux-ci de trouver un employeur qui voudra bien payer une taxe de 900 euros et qui lui proposerait un des seulement 150 métiers que le Rom aurait le droit d’occuper.

            De qui se moque-t-on ?

Intervention de Rodica lors du rassemblement de soutien aux familles Roms 


Rencontre au gymnase de Choisy avec Rodica et Laurent Ziegelmeyer

Nous avons rencontré Rodica, roumaine vivant en France depuis 10ans, et Laurent Ziegelmeyer, conseiller municipal délégué chargé de la démocratie participative à Choisy le roi, dans le gymnase de Joliot Curie.
            Depuis le 12 août, jour de leur expulsion du terrain situé sous l'autoroute A86 où ils étaient installés, des familles Roms vivent entassées dans un gymnase, constamment surveillées par des policiers qui n’hésitent pas à pénétrer régulièrement dans le gymnase pour alimenter cette peur qui rend leurs nuits difficiles.


          A la question « que désirez-vous ? », Rodica nous répond que pour elle, trois choses sont essentielles.
    La première : que tous les enfants, dont les siens nés en France, puissent être scolarisés et aient la possibilité de suivre une scolarité stable, chose qu’elle déclare plusieurs fois comme étant « normal », « important » et au centre de ses préoccupations. « Le maire l’a promis », rappelle-t-elle. « Une solution devrait pouvoir être apportée rapidement, peut être la semaine prochaine », nous explique le conseiller municipal présent sur les lieux.
   Ensuite, qu’ils puissent être logés, une volonté bien réelle en France pour beaucoup de personnes vivant dans la précarité dans ce pays où il manque 600 000 logements.
   Et enfin, que tout le monde ici puisse accéder à un travail décent et rémunéré comme il le mérite, malgré les mesures transitoires européennes expliquées ci-dessus. Dans le gymnase, ceux qui travaillent le font au black. Pas le choix. Ils sont pour la plupart musiciens, travaillent dans la ferraille ou bien nettoient les chambres des hôtels parisiens. Et ils ne gagnent que maximum 300 euros par mois.
« Et même avec ça, ils vivent mieux en France qu’en Roumanie », déplore Laurent Ziegelmeyer.  


            Rodica nous parle des associations, bien présentes depuis le début pour soutenir les familles, qui appellent à se réunir certains dimanche en soutien à ces familles sans toits, sans moyens et sans terrains. Romeurope (englobant entre autre Médecins du Monde), RESF (Réseau Education Sans Frontières), CES (citoyenneté Entraide Solidarité) ainsi que divers syndicats et partis politiques ont su avec les citoyens leur rendant visite régulièrement leur offrir ce contact humain et solidaire qui fait malheureusement parfois trop défaux en France. 



      Loin de ce mythe dont parle Mme Asséo qui est celui du « nomadisme », Rodica nous rappelle qu’elle vit ici depuis 10ans, et que son souhait et celui des autres dans ce gymnase est de pouvoir être logés, que les enfants puissent suivre une scolarisation dans la même école, qu’ils aient un travail fixe, et qu’ils puissent surtout rester ici, dans le Val de marne, où elle vit depuis 2002.
            Pour Mr Ziegelmeyer, si le gouvernement s’attaque aux Roms, ce n’est pas par hazard. C’est une population facile à stigmatiser car très pauvre, et se défendant peu. Pour lui, la révolte ne se construit pas le ventre vide, et les Roms de fait leur si grande diversité ont du mal à s’organiser ensemble pour se défendre. Ils constituent ainsi une proie facile, une cible facile.
            Pour Rodica, il n’y a pas de solution miracle, et elle espère que leurs souhaits seront entendus. Pour Ziegelmeyer, il doit y avoir un réel travail sur la question des Roms, et il faut que la gauche soit capable de prendre les choses en main, et pas uniquement de se plaindre.


Ce qu'ils en disent

France :

- «  Le gouvernement s’est focalisé sur cette population car elle permet de cristaliser son discours sécuritaire. (…) Ce n’est que de l’affichage. Car on ne peut pas s’attaquer aux Noirs ni aux juifs. Dans le cas des Roms, c’est une population que tout le monde considère à part. Quand on regarde le baromètre du racisme en Europe, les Roms sont systématiquement stugmatisés.
      Sur les gens du voyage, il existe toujours un regard policier. On considère qu’une population itinérante est une population à surveiller.»
         Malik Salemkour, vice président de la ligue des Droits de l’Homme.

-         « Hortefeux a un terrain vague dans la tête. Il n'y a rien dedans. Il n'y a que des mauvaises herbes, des pensées névrosées, la peur de l'étranger, la haine de tout le monde".
         Jean Luc Mélenchon


-         « C’est une tache de honte sur notre drapeau. »
         Dominique de Villepin

-         « J’en éprouve un véritable haut le cœur »
         Cécile Duflot

-         « Il y a un racisme officiel et un « frontnationalisation » de la politique gouvernementale. »
         Arnaud Montebourg

-         « C’est une politique honteuse qui oppose les français entre eux, les Français aux étrangers ».
         Manuel Valls


Étranger :

-          « A l’évidence, pour Mr Sarkozy, les nomades ne sont pas tous pareils : certains peuvent même planter leur tente dans les jardins de Marigny. Car sous la tente de bédouin du colonel Kadhafi, il n’y avait pas les pauvres objets des tentes de Roms. Il y avait des milliards. »
         Antonio Tabucchi, écrivain italien

-         « Le président Sarkozy a fait un lien entre délinquance et immigration, légale ou illégale. Un amalgame qui était au mieux délibéré, au pire malhonnête. (…) Racistes, les français ? Non, mais ils se laissent regrettablement manipuler par des slogans et des formules aussi xénophobes que simplistes. »
         John Lichfield, journaliste à The independent, Londres

-         « Le président Sarkozy qui aime pourtant bien qu’on l’appelle «Sarko l’américain » attise dangereusement les sentiments hostiles aux immigrés pour satisfaire ses objectifs poliques de court terme. »
         The New York Times, New York

-         “Les vieux préjugés contre les gitans et les Tziganes ont la vie dure en France, et les discours dont ces populations font l’objet rencontrent un succès facile.”
         Rudolf Balmer, journaliste à Die Tageszeitung ( Berlin)


-         “Les experts – représentant entre autres la Russie, le Togo, l’Algérie et la Roumanie- ont averti que les méthodes dures de Sarkozy ne contribuaient pas à réduire le racisme”
         La Vanguardia, Espagne

-         « Force est de reconnaître que de tels propos sont irresponsables. Le chef de l’Etat pointe un doigt accusateur sur une frange de la population qu’il est censé diriger dans la liberté, la fraternité et… l’égalité. »
         Paalga, observateur du Burkina faso

-         « En terme d’hypocrisie, la Bulgarie n’a rien à envier à la France. La nouvelle de l’expulsion de Roms de France a été accueillie avec une étonnante bienveillance de la part des autorités de Sofia. Et leur hypocrisie n’était rien en comparaison de celle des organisations de défense des droits de l’homme. Ces mêmes ONG qui font des déclarations fracassantes à l’occasion d’une gifle policière sont restées muettes. »
         Vesselina Sedlarska, journaliste à Tema, Sofia

-         « ''Ce sont des citoyens roumains, faites quelque chose'', disent les Français. ''Ils sont citoyens européens, nous ne pouvons pas restreindre leur droit à la libre circulation'', répond Bucarest. »
         Gabriel Giurgui, journaliste au dilema veche, Bucarest

-         « J’appelle à accueillir les légitimes diversités humaines. »
         Benoit XVI

 
Sources: Courrier international, le monde, le canard enchainé, le monde libertaire, Politis.

2 commentaires:

  1. harkis les camps de la honte :lien vers http://www.dailymotion.com/video/xl0lyn_hocine-le-combat-d-une-vie_news
    En 1975, quatre hommes cagoulés et armés pénètrent dans la mairie de Saint Laurent des arbres, dans le département du Gard. Sous la menace de tout faire sauter à la dynamite, ils obtiennent après 24 heures de négociations la dissolution du camp de harkis proche du village. A l'époque, depuis 13 ans, ce camp de Saint Maurice l'Ardoise, ceinturé de barbelés et de miradors, accueillait 1200 harkis et leurs familles. Une discipline militaire, des conditions hygiéniques minimales, violence et répression, 40 malades mentaux qui errent désoeuvrés et l' isolement total de la société française. Sur les quatre membres du commando anonyme des cagoulés, un seul aujourd'hui se décide à parler.

    35 ans après Hocine raconte comment il a risqué sa vie pour faire raser le camp de la honte. Nous sommes retournés avec lui sur les lieux, ce 14 juillet 2011. Anne Gromaire, Jean-Claude Honnorat.


    Sur radio-alpes.net - Audio -France-Algérie : Le combat de ma vie (2012-03-26 17:55:13) - Ecoutez: Hocine Louanchi joint au téléphone...émotions et voile de censure levé ! Les Accords d'Evian n'effacent pas le passé, mais l'avenir pourra apaiser les blessures. (H.Louanchi)

    Interview du 26 mars 2012 sur radio-alpes.net

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  2. Vidéo choc de l'expulsion des Roms à Vigneux le 11-03-2013

    merci de relayer

    asefrr.fr

    http://youtu.be/DdoS2Sd4v_8

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